Page:Wilson - L'appel du Chibougamau, 1956.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

matelas de plumes, il accomplit la longue randonnée par canot, franchissant sans broncher les quelque cinquante portages le séparant de son but. Deux guides indiens l’accompagnaient, et il les suivit comme s’il n’avait fait que ça toute sa vie. Exploit assez remarquable pour un type qui avait passé son existence sur les pavés de Manhattan.

« Nous fûmes ahuris en le voyant débarquer à l’île du Portage, tiré à quatre épingles, faux-col blanc et chemise immaculée. Le contraste entre cet élégant new-yorkais et les rudes (et pas trop propres) mineurs de notre camp était effarant.

« La première fois que Pauli visita la fameuse source, il en but de copieuses rasades, après quoi il resta éveillé toute la nuit… et pas pour regarder la lune ; je vous en passe un papier, si j’ose dire… « Merveilleux médicament pour les reins ! » s’exclamait-il le lendemain matin, à l’heure du déjeuner. Pas étonnant, comme on le constata plus tard, l’analyse démontra que cette eau était lourdement chargée de lithium, principal ingrédient des plus importantes eaux minérales du monde.

« Pauli sautait d’enthousiasme au sujet des possibilités commerciales de la source. Il voulait que nous devenions ses associés dans une entreprise d’embouteillage du liquide, lequel irait ensuite par canot vers les malades qui languissent dans la civilisation. Mon père et moi refusâmes d’y participer, après avoir calculé que les frais de transport mettraient le prix de l’eau à cinq dollars la pinte.

« Ces renseignements diminuèrent mon enthousiasme pour l’exploitation des eaux minérales.

« Au diable les sources ! m’écriai-je avec mépris ; ce sont les mines qui comptent ! La monotonie de l’hiver me rendait nerveux, j’eus alors l’idée de ramasser toutes les nouvelles que je pouvais trouver sur le Chibougamau et