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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

bien sûr, mais pas très souvent au vrai mineur pratiquant.

« Notre travail nous passionnait à tel point — nous faisions de nouvelles découvertes chaque jour — que nous ne repartîmes pour Saint-Félicien qu’à la fin d’octobre, quelque temps seulement avant la congélation des cours d’eau, période dangereuse dans le nord. La première partie du voyage fut pénible ; la neige tombait chaque jour et il fallait casser la glace dans la rivière pour pouvoir y passer en canot.

« Les vivres manquèrent. Durant une semaine, nous mangeâmes de l’orge et du petit poisson blanc pris à l’hameçon, à l’endroit du partage des eaux. Nous souffrions sérieusement d’inanition, mais Obalski, le citadin convaincu, demeurait le boute-en-train de notre groupe. Affaibli par la faim, il serrait sa ceinture d’un cran, racontait des drôleries et nous décrivait les plats appétissants qui nous attendaient à Montréal. Lorsque nos guides — qui, de toute façon, ne mangeaient jamais à leur faim chez eux — grognaient, il savait, par son exemple, leur remonter le moral. Je n’ai jamais rencontré son pareil ; Obalski avait un caractère trempé comme l’acier. Aucun revers de fortune ne pouvait le faire broncher.

« Dès 1905, nous avions organisé une compagnie et étions prêts aux entreprises minières de grande envergure. Nous revînmes au Chibougamau durant l’hiver. Il nous fallut du 23 janvier au 23 avril pour parcourir 154 milles sur la vieille piste indienne. Vingt-huit hommes et trente-six chiens transportèrent 52 tonnes de provisions le long de ce chemin, dans une température constamment sous zéro. Un jour, nous tirions sept tonnes sur quelques douze milles, installions notre campement, puis revenions sur nos pas pour tirer sept autres tonnes. Comme ça nous prenait sept jours pour hâler 52 tonnes tonnes sur douze milles, nous ne progressions, en un mois, que sur cinquante milles.