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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

voler la hache dans les airs, mais arrache presque le bras de Fleury.

Fleury exécute au grand galop une retraite stratégique, attrape son fusil au passage et tire droit au cerveau de l’ours, lequel arrive sur ses talons pour terminer le combat dans la plus pure tradition du « catch-as-catch-can », tel qu’on le voit au Forum de Montréal par le temps qui court.

À chaque nouveau « boom » minier survenant au Chibougamau, Fleury dissimulait dans diverses « caches » ses pièges et son fusil, pour les remplacer par le pic du géologue. Il fit de splendides découvertes, les vendit promptement et avec profit, si bien qu’il s’était amassé un joli magot pour ses vieux jours.

À l’aube du 12 octobre, Jacques Drouin et moi quittons la baie des Cèdres en canot. Comme nous prenons notre élan, j’ordonne : « Menez-moi à la baie « Bateman ». Il tombe une pluie froide d’automne. Avant même d’atteindre le pied des rapides, nous sommes transpercés.

Dès que nous eûmes mis pied à terre, nous ne perdîmes pas un instant et commençâmes à jalonner les deux cents acres de la concession. Nous suivons le vieux tracé, en rafraîchissons les marques et équarrissons les côtés de chaque piquet, conformément aux règlements du ministère des Mines. Sur chaque jalon, j’appose les plaques de métal qu’on reçoit avec le permis de mineur et écris lisiblement et clairement mon nom, le numéro de mon certificat et la date du « staking ».

Le dieu… c’est peut-être une déesse ? — de la pluie nous arrose férocement. Est-ce pour me décourager ? Je me souviens du dicton : « It rains twice in the woods » (Il pleut deux fois, quand il pleut dans le bois : une fois sur votre chapeau et l’autre le long du cou).