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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

— On raconte une drôle d’histoire, me confie-t-il, sur un prospecteur du Chibougamau qui demeura dans cet hôtel, voilà plusieurs années. Il arrive avec deux chiens esquimaux, se réserve une chambre et commande une caisse de whisky. Lorsqu’il fut passablement saoul, il se souvient tout à coup d’un ami qui habite à quelques milles de Québec et décide d’aller lui rendre visite. Il laisse les chiens libres dans la chambre et saute en taxi. Arrivé à la maison de son ami, notre prospecteur descend dans un état quasi comateux, l’alcool ayant fait son effet. L’ami aidé du chauffeur, le transporte sur un lit. Ce n’est qu’au bout de trente six heures que les lourdes fumées de l’ivresse alcoolique s’évaporent et que le prospecteur revient à lui-même.

Mais pendant ce temps-là, les chiens, dont la faim et la soif vont augmentant se mettent à hurler si fort et si lugubrement que tous les gens de l’hôtel en deviennent terrifiés. Le gérant n’ose pas ouvrir la porte, croyant que les bêtes sont devenues enragées : personne ne songe à leur lancer quelque nourriture par le vasistas. Un véritable enfer jusqu’au retour du prospecteur. Il sacre contre le gérant parce qu’il n’avait pas nourri ses chiens : le gérant sacre contre lui et les chiens ; les chiens reçoivent chacun un gros bifteck et l’on flanque le trio à la porte de l’hôtel. Vous pouvez vous imaginer l’état de la pièce quand on entra pour y faire le ménage.

Le prospecteur encore tout nerveux des suites de sa cuite menace de traduire le gérant devant les tribunaux : le gérant menace de poursuivre le prospecteur, les chiens menacent des dents et tous les gens de l’hôtel menacent à leur tour de lyncher le prospecteur et ses chiens.

Le lendemain matin, je reprends la route, direction nord, vers le Chibougamau. Après avoir franchi les hauteurs de Beauport, le chemin, partant de Québec, traverse