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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

En 1936, on installe un bureau de poste et un service de téléphone « intercamp » car plus de vingt grosses perforatrices à diamant fouillent le sous-sol, pour y découvrir les gisements de minerai afin d’en déterminer le rendement. L’argent des spéculateurs se remet à couler. « Cette fois, ça y est ! » s’exclament les courtiers. Une ville champignon commence à pousser sur la propriété Blake, dans l’agglomération nouvelle, les « bootleggers » et leur séquelle de personnages douteux commencent de récolter d’appréciables profits, les jours de paye surtout. Un homme est tué à coups de revolver. Le cadavre d’un autre, en pleine décomposition, s’échoue au printemps, dans la glace du lac. On supposa qu’il avait été assassiné.

Le soir le lac Aux Dorés revêt un aspect de carnaval, alors que les lumières des tentes se réverbèrent dans ses eaux. Ainsi naquit, presque du jour au lendemain, une rude bourgade minière. (Environ dix ans plus tard, lorsque cette « Barbary Coast », qui avait reproduit en miniature sa célèbre aînée de San-Francisco fut devenue une ville fantôme, le ministère des Terres et Forêts du Québec y envoya des hommes qui mirent la torche partout ; les baraques de bois, infestées de puces et autres parasites nuisibles, disparurent en flammes.)

En 1938, le spectre de la guerre se montre à l’horizon. L’argent des spéculateurs est rare. Les entreprises minières interrompent leur travail. Le public se désintéresse des nouveaux « prospects » et la population du Chibougamau se réduit à une poignée de rêveurs. Lorsque Hitler chausse ses bottes de sept lieues, le Chibougamau tombe dans un sommeil cataleptique.

Encore une fois, l’homme blanc est parti, emportant ses foreuses et sa sale graisse à machines, sa dynamite et ses blasphèmes, sa corruption et son infamie ; il est parti outre-mer, pour tuer ses frères de sang. Les vallées déchi-