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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

de la machine au moment de l’accident, enleva son paletot et, sans en lâcher l’une des extrémités, tendit l’autre au malheureux qui se noyait. Il le remonta ainsi sur la glace, mais le pauvre diable faillit geler à mort avant qu’on ait pu le transporter jusque dans une cabane sur la berge.

Geof Woodcock, l’ingénieur minier, sentit une légère enflure de la mâchoire alors qu’il travaillait dans la brousse de Chibougamau. Quand il atteignit enfin Roberval, il avait le visage enflé comme une citrouille et il fallut une sérieuse opération d’urgence, car l’empoisonnement du sang s’était déclaré. Une injection de pénicilline, à Chibougamau, aurait enrayé l’infection.

Quelques jours avant Noël, le quartier-général de la base d’aviation de la compagnie du Mont Laurier, au lac Caché, fut incendié. Treize hommes : prospecteurs, aviateurs, ingénieurs, météorologistes et un Indien — dormaient profondément lorsque le toit prit feu tout à coup, vers six heures du matin, probablement à cause d’un tuyau de poêle mal ajusté. En quelques minutes, la construction de bois rond, aussi sèche qu’une boîte d’allumettes, fut transformée en fournaise. La plupart des dormeurs réveillés par l’haleine de l’enfer, ne sauvèrent leurs vies qu’en se lançant, tête première, à travers les fenêtres.

Dehors, le thermomètre enregistrait 32 degrés sous zéro. Comme aucun des rescapés n’avait eu le temps de sauver ses bas ou ses bottes, ils avaient les pieds presque gelés lorsqu’ils parvinrent à une cabane, située à une centaine de verges. Deux des sinistrés étaient, de plus, sérieusement brûlés. On les transporta par avion jusqu’à Roberval. Le courrier de Noël et du jour de l’An, que tout le monde attendait, fut complètement détruit.

À la première chute de neige de l’année 1951, je fis l’inventaire de ma situation à Chibougamau. (J’aurais pu écrire, évidemment, à propos de concessions de bien plus