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LE VIEUX MOULIN

Le docteur Kyle Stevenson, l’aliéniste sud-africain universellement connu, a dit récemment : « Le meilleur remède pour le (dérangement de la brousse) c’est une cuite d’une semaine. »

En l’automne 1951, Chibougamau pouvait se vanter d’un hôtel, un poste de traite, un bootlegger, un analyste des métaux, une banque, un régistrateur des mines et six bases d’aviation… mais pas un seul médecin, pas une seule infirmière, pas un seul dispensaire. Le docteur le plus rapproché habitait Saint-Félicien, à une distance de 150 milles ; le plus proche hôpital était à Roberval, éloigné de 170 milles. Les promoteurs miniers paraissaient trop occupés à calculer leurs profits futurs pour s’occuper de leurs employés qui auraient besoin de soins médicaux ; pourtant, les accidents se succédèrent durant l’automne et l’hiver.

Jean Rouvier, un jeune Français de Montpellier, employé par Campbell Chibougamau Mines Ltd., à la baie des Cèdres, voyageait sur la neige de novembre, sur un traîneau tiré par un tracteur, lorsqu’il tomba et se coinça la jambe entre les patins. Il fut traîné ainsi sur une assez longue distance avant que le conducteur entendît ses cris. Rouvier avait six fractures très graves de la jambe et il fallut huit heures, par tracteur et automobile, avant qu’on pût atteindre le Mille 73, sur la route de Chibougamau. où une ambulance le transporta jusqu’à l’hôpital de Roberval. Rouvier souffrait tellement, qu’il perdit conscience une cinquantaine de fois avant d’atteindre l’ambulance, où il lui fut administré un anesthésique. Une simple ampoule de morphine coûtant 50 cents, injectée dès Chibougamau, l’eût soulagé de ses atroces souffrances.

En décembre, un très lourd tracteur s’enfonça au travers de la glace, sur le lac Antoinette, et ne s’arrêta qu’au fond, sous trente pieds d’eau. Lorsque le conducteur revint à la surface, l’un de ses camarades, qui marchait en avant