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LE VIEUX MOULIN

Dès mon arrivée à Saint-Félicien, je ne perdis pas de temps et rentrai au Chibougamau. À l’orée de la forêt splendide, j’eus l’impression de pénétrer dans une cathédrale. Chaque fois que je suis sous cette voûte, je ressens cette sérénité intérieure que connaissaient si bien Boethius et Thoreau, ces grands amants de la nature. Je reprends une cure d’hygiène de l’âme, un bain de l’esprit. Ici, je me sens en paix et je peux méditer. (Un visiteur me dit un jour : « Méditer ! Voilà un mot qui semble appartenir à une langue morte, à un monde englouti). »

Subitement, voilà qu’un jour, vers la fin de l’été, un canot fit son apparition. Il venait du lac aux Dorés et avait à son bord Bill Lafontaine, l’agent du ministère des Mines du Québec. Deux compagnons débarquèrent avec lui : « Monsieur Morin et Monsieur Carpentier », dit Bill en guise de présentations ; ils sont du Service ciné-photographique du gouvernement et désirent tourner des scènes et prendre des photos de votre lieu d’habitation ; ces scènes seront vues un peu partout dans le monde. » — « Adieu, pensai-je, méditation et paix ! »

Les deux cinéastes braquèrent leurs appareils sur les canots, les scènes de pêche, les rapides, notre personnel, les cabanes en bois rond et le lac Chibougamau. Après quoi ils s’endormirent « comme des marmottes », selon leur expression, dans une tente au-dessus du torrent. Le lendemain matin, au petit déjeuner, monsieur Morin, le chef de ce service provincial, me déclara : « Depuis trente cinq ans que je photographie les beaux sites du Québec, je n’ai jamais rien vu d’aussi féerique que ce décor incroyable. »

Les nuits du Chibougamau sont aussi exquises que les jours, car les aurores boréales viennent danser leur ballet devant nos yeux. Leurs mouvements rythmiques et lumi-