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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Le prospecteur avait à sa disposition deux manières de procéder. L’une était de se rendre au Chibougamau par avion, jalonner les concessions et aviser ensuite l’ancien propriétaire de bien vouloir déménager son équipement, à moins qu’il ne rachète le terrain pour, disons, cinquante mille dollars. L’autre manière était d’avertir le racheteur de sa négligence et d’attendre ensuite une juste récompense : Dix mille dollars eussent été un bon marché pour un tel service. (Surtout si l’on se souvient que le « joli monsieur » nageait dans l’argent. Pour chaque dollar investi par les gogos, il prélevait 90 cents — légalement, cela va sans dire… (La route des fortunes illicites est pavée d’avocats escrocs.)

Le prospecteur n’hésita pas. Il téléphona au promoteur à Chibougamau : l’argent de la taxe fut télégraphié sur l’heure au ministère des Mines, le comptable fut mis à la porte. Le propriétaire avait eu si chaud, qu’il en maigrit de dix livres… mais il demeura propriétaire des concessions.

Quelques jours plus tard, quelqu’un suggéra au prospecteur de récompenser le prospecteur qui lui avait rendu un fier service.

— Sûrement, sûrement, dit-il, (il avait été élevé dans le ruisseau) ; dites-lui de s’acheter deux bouteilles de scotch et qu’il m’envoie la facture ! »

Un joli monsieur !

Il n’y avait pas que certains promoteurs qui fussent malhonnêtes ; quelques prospecteurs du Chibougamau n’avaient rien à leur envier à ce sujet. L’un d’eux était un maître fourbe et son racket établit un record dans ce jeu-là.

Possédant beaucoup d’expérience dans son métier, c’était un coureur des bois accompli et il avait le physique de l’emploi : Jamais rasé, l’air rude, la carrure puissante.