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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

ment : « À la fin du mois ». En l’espace de vingt ans, il me remit ainsi « à la fin du mois » au moins cinquante fois.

En cet été 1951, Monsieur le Président amena sa femme au Chibougamau. L’apparence de cette dame indiquait clairement qu’elle allait bientôt contribuer à augmenter la population de notre pauvre globe surpeuplé. Je faisais allusion, devant le couple, à une nouvelle route vers une propriété minière qu’on venait de projeter, lorsque je demandai : « Quand donc… ? »

Le Président regarda rêveusement la taille épaisse de son épouse et murmura : « À la fin du mois ».

Le district minier du Chibougamau avait atteint un stade si avancé de développements préliminaires, qu’il n’était pas étonnant de voir les promoteurs affluer. Certains d’entre eux étaient frauduleux, d’autres plutôt honnêtes : mais ils avaient en commun une particularité : Ils étaient tous bien vêtus. Quelques-uns des véreux étaient reconnaissables par leur front fuyant et une intelligence — sauf en ce qui concernait l’art de frauder leurs semblables — ne dépassant guère celle des singes supérieurs.

Il arrive que l’on puisse gagner de l’argent facilement en spéculant sur des stocks frauduleux ; mais le promoteur, qui joue double jeu, frappe toujours avec la rapidité d’un cobra. C’est pourquoi la vigilance est nécessaire. À Montréal, j’ai déjà fait ainsi quelques dollars, en achetant des titres miniers — quelque chose pour vous tondre en un rien de temps ! — et en surveillant attentivement la marque des cigares que fumait le promoteur. Lorsqu’il allumait un havane coûteux, la cote remontait infailliblement : lorsque la qualité du tabac diminuait, la même chose arrivait aux actions. C’était un baromètre infaillible.

Un matin, alors que la Bourse semblait indécise, je pénétrai dans le bureau du promoteur. J’eus simplement à