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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Se servir de poison insecticide ? Les récentes expériences scientifiques ont crevé l’illusion de son efficacité. La plupart des variétés de mouches s’y habituent et leur système s’immunise. Un demi-verre de ce poison peut tuer un homme, tandis que les petites pestes le sucent en sécurité.

Au début de juin, une brume bleuâtre flottait au-dessus de la région du Chibougamau. Un météorologiste posté à la baie des Cèdres m’annonça que des feux de forêt avaient éclaté près des lacs Mistassini et Obatagamau. On y expédia par avion des escouades de gardes-feu, car c’était la période dangereuse de l’année pour ce fléau : les faîtes des arbres étaient aussi secs que de l’amadou et resteraient ainsi tant que leurs nouvelles feuilles n’auraient pas poussé ou qu’une longue pluie n’aurait pas saturé le district. La civilisation accompagnait les combattants de l’incendie, car ils étaient munis d’horloges enregistreuses et devaient poinçonner l’heure de leur arrivée à des postes éloignés les uns des autres de plusieurs milles, dans les bois épais. C’était, en somme, la même méthode que celle d’un gardien de nuit faisant ses rondes périodiques dans une usine.

À la mi-juin, les pêcheurs étaient aussi nombreux que les prospecteurs. La pêche commercialisée n’existant pas au Chibougamau, les amateurs avaient les lacs et les rivières entièrement à leur disposition. Deux New-yorkais se sont même plaints qu’il y avait trop de poissons dans le lac Chibougamau ! Ils avaient installé leurs tentes près de la baie des Ours et paraissaient attristés quand je les croisai sur le portage.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demandai-je : pas de poisson ?

— Il y en a trop, répondit tristement l’un d’eux. Hier, nous en avons pris vingt gros, mais nous les avons rejetés