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L’ÉPOPÉE DE L’UNGAVA

blême… à moins que les mouches noires ne soient tout simplement allergiques aux dames grasses et mûres. »

Après les mouches noires vinrent les maringouins, puis les mouches à chevreuil, les mouches à cheval, les mouches à éléphant (en tout cas, elles étaient assez grosses pour l’être !) : les guêpes, les taons, les bourdons et 163 autres variétés de petits bourreaux que les entomologistes ne connaissent même pas !

Puis arriva notre vieille amie, la mouche domestique. Ça, c’est un mystère à approfondir : comment la « musca domestica » a-t-elle bien pu se rendre au Chibougamau, à des centaines de milles de la civilisation ? J’en suis venu à la conclusion qu’un de mes ennemis, faisant semblant d’être de mes amis a dû en apporter plein ses poches et les lâcher à l’intérieur de Rainbow Lodge tandis que je regardais ailleurs !

Je me souviens d’un beau matin ensoleillé. Il y avait un bataillon entier de ces envahisseuses dans ma cuisine. Je me mis nu jusqu’à la ceinture, m’emparai fermement d’un tue-mouches et livrai combat. En quelques minutes, de nombreuses mortes ou blessées jonchaient le champ de bataille. Je me rapprochai d’une qui, posée sur un récent exemplaire du « New York Herald Tribune », se frottait les pattes de contentement. D’un magistral coup de revers, je l’écrasai sur le papier.

Comme je m’apprêtais à déplacer les restes de cette ennemie, je m’aperçus qu’elle était morte sur un article traitant des mouches domestiques. Peut-être lisait-elle des renseignements sur son espèce ? Mes yeux tombèrent sur une phrase de l’article : « … une seule paire de mouches peut, en l’espace d’une saison, produire 325.923.200.000 descendants. » Après cette révélation, je lâchai mon arme, convaincu qu’il n’y a aucun avenir à tuer des mouches.