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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

magnifique vison. Nous dûmes placer un treillis métallique au-dessus du réservoir pour mettre fin à ces larcins.

Tous les visiteurs n’étaient d’ailleurs pas bienvenus à Rainbow Lodge. Il y en a même que j’aurais assassinés sans scrupule. Nous étions visités, entre autre, par la reine des fléaux, la mouche noire. D’après mon « journal de bord », dix milliards de ces terribles insectes convergèrent vers mon quai dans la dernière semaine de mai. J’avoue que j’exagère peut-être un peu…

La température était chaude, humide et lourde. Comme j’allais arroser ma nudité avec des seaux de l’eau glacée du lac, le majordome du clan des mouches noires me perfora la peau à un endroit des plus sensible. Il en télégraphia probablement la nouvelle à ses acolytes, car en quelques secondes, l’avant-garde de leur armée attaqua en rangs serrés ma corpulence. Avant d’avoir réussi à fuir dans la maison, mes avant-bras étaient déjà couverts de sang. La mouche noire semble considérer les avant-bras comme un hors-d’œuvre. Quand elle y a bien goûté, elle se dirige sur le cou et les oreilles. C’est un insecte arrogant, vicieux et qui ne respecte personne. Je le trouve méprisable, mais il se fiche de mon mépris. Une des façons de s’en débarrasser quelque peu, c’est de s’enduire d’une substance qui lui répugne.

Un vieux coureur de forêts m’a déjà affirmé que la poudre de riz, dont les femmes s’enduisent le visage, chasse les mouches noires. « Une dame corpulente et d’âge canonique, me raconta-t-il, séjourna dans un campement éloigné, où ces maudits insectes tourmentaient jusqu’aux Indiens, qui ont pourtant la peau comme du cuir ; mais la voyageuse ne reçut pas la moindre morsure, parce qu’elle s’enduisait constamment la face, la nuque et les bras de poudre de riz. C’est peut-être la solution à ce pro-