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L’ÉPOPÉE DE L’UNGAVA

lement durant des semaines. Ils dansaient tous les soirs, à l’accompagnement d’un violon et d’un accordéon. Je vous assure qu’ils s’amusaient plus qu’on ne le fait dans les boîtes de nuit de Montréal et de New-York.

« Il y avait environ cinquante familles d’Indiens dans cette région du Mistassini et, quelque temps avant mon départ, ils donnèrent un grand souper (« Injun banquet ») en mon honneur. Le facteur de la compagnie de la Baie d’Hudson et moi étions assis à une table équarrie à la hache, tandis que toute la population était assise en rond, sur le sol à nos pieds.

« Cinq ou six squaws, gracieusement vêtues de costumes garnis de perles, s’approchèrent de notre table, portant de grands paniers d’écorce de bouleau chargés de viandes fumées : chair d’ours, d’orignal, de renne et de poisson. Du pain plat et rond cuit avec de la farine, du levain et de l’eau, fut servi accompagné de graisse d’ours tenant lieu de beurre. On plaça devant moi trois livres de viandes et de poisson. Je regardai d’un air inquiet, cette montagne de victuailles, mais le facteur me souffla à l’oreille que je n’insulterais pas mes hôtes en ne dévorant point tout cela, car ici, la coutume était que l’invité apportât chez lui les reliefs du festin.

« Il n’y avait que deux assiettes dans toute la région, et nous eûmes l’honneur de manger dedans. La viande fumée nous était servie en lanières de dix-huit pouces : et comme les fourchettes étaient inconnues, et les couteaux inusités dans ces agapes primitives, les bons usages voulaient qu’on la mangeât à la manière des avaleurs de sabres. Cette viande était dure, mais très savoureuse, rappelant le goût du pemmican (chair desséchée) de bison.

« À cette époque vivait, dans le Mistassini, un monstre singulier. C’était un petit garçon de sept ans, à moitié humain et à moitié ours ! Toute la partie gauche de son