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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

De mon inconfortable demeure, je distinguais une maisonnette à la pointe du Camp indien, à un demi mille sur l’autre rive de la baie des Cèdres. Dans ce « campe » habitaient le métis Charley Cleary, sa femme et leurs six enfants. Alors que je déroulais mon sac de couchage, par un soir aussi noir que de l’encre, je vis soudain des flammes au travers du toit de la cabane de Charley. En quelques minutes, toute la construction de bois rond était en feu… Je courus sur la glace avec un groupe de prospecteurs et d’ingénieurs, mais lorsque nous arrivâmes devant la maison qui brûlait, nous ne trouvâmes personne. Il y avait, épars sur la neige, des lits, des matelas, des ustensiles de cuisine. C’était la preuve que les occupants avaient réussi à sauver une partie de leurs possessions. Mais les Cleary, où étaient-ils ? « Ils sont peut-être retournés à l’intérieur pour récupérer d’autres objets et ont été brûlés vifs lorsque le toit s’est effondré », suggéra un foreur. Nous restâmes là durant plusieurs heures, à geler et à sacrer, mais nous ne pouvions rien faire, absolument rien.

Nous revînmes à nos quartiers et à l’aube, je retournai sur l’autre rive pour essayer de retrouver les restes de la malheureuse famille Cleary qui, j’en étais persuadé, gisait dans les ruines fumantes. Je n’avais parcouru qu’une centaine de pieds lorsque, à un demi mille de distance, j’aperçus toute la bande des Cleary marchant à la file indienne sur la glace, en direction de la pointe. Un des enfants m’expliqua que pendant que leur toit flambait, ils avaient jeté sur la neige tout ce qu’ils possédaient, après quoi ils s’étaient rendus, sur le lac gelé, jusqu’à un « campe » abandonné, situé à plusieurs milles de là. Ils n’avaient même pas songé à l’anxiété de quelques blancs qui auraient pu se précipiter à leur secours.