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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

ble qu’un appartement urbain. Avant de nous coucher le soir, il fallait bourrer le poêle de bûches de trois pieds et vers minuit il faisait si chaud dans la maison que nous devions dormir les fenêtres ouvertes, quoique le thermomètre sur la véranda enregistrât vingt degrés sous zéro.

Nous avions une envie de poisson et taillâmes un trou dans la glace du lac Chibougamau, et descendîmes une ligne, amorcée de bacon. Mais, le poisson ne daigna pas mordre, jusqu’au moment où des Indiens s’amenèrent en raquettes. Ils avaient capturé une barbotte tout près de la rive et appâtèrent notre hameçon avec un morceau de sa chair. Ce soir-là, nous dînâmes de la truite de lac.

Je me souviens que quelque part dans le livre de De Quincey, le fumeur d’opium rêve de posséder une maison dans les neiges canadiennes.

Ah ! S’il avait vu Rainbow Lodge ! De Quincey désirait aussi une jolie femme pour charmer sa demeure. Si le grand écrivain était encore de ce monde, je lui dirais, du fond de mon expérience, que les femmes belles et intelligentes à la fois sont rares au Canada et que lorsqu’on a la chance d’en trouver une, il n’est pas facile de la garder dans la solitude hivernale.

Après quelques jours de repos, je retournai à la baie des Cèdres, où le forage était assez actif. Sur la propriété Campbell, je dormis dans une cabane aussi ajourée qu’un moulin à vent. Le matin j’enlevais autant de neige à l’intérieur qu’il y en avait devant la porte. Je possédais un sac de couchage comme ceux qu’on utilise dans l’arctique, mais je me réveillai plusieurs fois durant la première nuit, me disant qu’il m’en eût fallu deux. (Si jamais l’on érige un monument au Chibougamau, il devrait être consacré à l’inventeur du sac de couchage, qui apporta la plus grande contribution au bien-être de l’homme dans la brousse.)