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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Un anglais (d’Angleterre), nouvel arrivé au Canada et peu familier avec nos blasphèmes et jurons, passa un jour et me donna ma première leçon dans l’art de sacrer à l’envers. Il avait quitté son emploi et retournait à Montréal. « Cet ouvrage de fou, je vous la laisse ! s’exclama-t-il ; regardez mes bras, couverts de piqûres de mouches noires. Et de plus, la femme du boss est une chienne d’enfant ! »

Un autre chasseur de métaux précieux se présenta, alors que je mêlais une sauce blanche aux câpres, destinée à rehausser le goût d’un gigot d’agneau en train de rôtir dans mon fourneau. À mesure qu’il dévorait la viande, il poussait les câpres dans le côté de son assiette où elles s’amoncelaient en un joli tas de petites crottes noires. Je lui offris un autre morceau d’agneau. — Avec plaisir, dit-il, mais ne le coupez pas aussi près du derrière.

Une foule d’Indiens nous visitèrent mais je n’en rencontrai jamais un seul qui fut affligé des manières dégoûtantes de certains hommes blancs. Ils ne connaissaient certes pas les conseils que les experts en politesse dispensent dans les journaux, mais chaque peau-rouge que j’ai rencontré au Chibougamau était doué d’une courtoisie naturelle que les visages pâles auraient bien dû copier !

Je me souviens d’un beau soir où, dans le soleil couchant ressemblant à un « fade in » de cinéma, nous aperçûmes soudain une file de canots d’Indiens venant vers nous, sur le lac Chibougamau. Ils étaient en route pour le lac Mistassini, à cinquante milles au nord, où ils vivent, pêchent et chassent.

Le canot de tête, mû par un moteur hors-bord, touait quatre autres canots chargés de provisions et de sauvages. Ils abordèrent à la baie Hello et les Peaux-Rouges vinrent nous rendre visite par le sentier de la brousse.