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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Yvonne Coulombe, femme d’un ancien garde-chasse doublé d’un prospecteur.

Espérant pouvoir se hisser sans assistance sur la glace ferme, Boucher nagea durant une vingtaine de minutes, mais en vain. Sentant l’épuisement et le froid l’envahir, il se décida enfin à crier à l’aide. Au péril de leur vie. Mme Coulombe et Mme Lafond coururent courageusement sur la glace mince, et s’approchèrent jusqu’à quelques pieds du malheureux en train de se noyer.

Il faisait complètement nuit quand j’entendis l’appel expliqua ensuite Mme Coulombe ; j’eus le temps de prendre ma torche électrique et une planche. Je parvins à pousser celle-ci assez proche de M. Boucher pour qu’il puisse en saisir le bout. Mais il avait séjourné dans l’eau froide si longtemps qu’il était incapable de la tenir fortement. Brusquement, il lâcha prise et dit d’une voix claire et calme : « Je suis trop engourdi, c’est la fin. C’est vraiment dommage… »

« À la lueur de ma lumière, je vis ses yeux gonflés qui brillaient comme des boules de feu et ses cheveux gelés qui se dressaient tout droit comme du fil de fer. Puis, il se tourna lentement sur le côté et disparut sous la surface. S’il avait crié dès qu’il tomba à l’eau, nous l’aurions probablement sauvé. »

Boucher était un petit-fils d’un fameux pionnier des Laurentides, le docteur Louis Grignon, et le neveu de Claude-Henri Grignon, l’écrivain radiophonique très connu, auteur de « Un homme et son péché ».

Un autre prospecteur, dont les goûts poétiques se limitaient à des couplets gaulois de « Mademoiselle from Armentières », se présenta un soir tellement affamé, que je m’empressai d’ouvrir une boîte de sardines et de la placer devant lui. Il en renifla longuement le contenu et déclara : « Ça pue bon ! »