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Parti représentées, dont quatre avaient des opinions anarchistes avancées, mais différentes. L’une de ces fractions, — c’est quelqu’un que je connais tout particulièrement, — assista presque sans mot dire au début de la discussion, mais à la longue se laissa entraîner, et finit par donner terriblement de la voix et par traiter tous les autres d’idiots ; après quoi il y eut un moment de tumulte, puis une accalmie, pendant laquelle la fraction susdite, ayant souhaité le bonsoir très aimablement, s’achemina toute seule pour rentrer chez elle dans un faubourg de l’ouest, par le moyen de transport dont la civilisation nous a forcés de prendre l’habitude.

Assis dans ce bain de vapeur d’humains pressés et chagrins qu’est une voiture du chemin de fer souterrain, et souffrant, comme les autres, de cuire à l’étuvée, je songeais, mécontent de moi-même, aux nombreux arguments, excellents et définitifs, que j’avais eus sur le bout de la langue, mais que j’avais oubliés dans la récente discussion. J’étais si bien habitué à cet état d’esprit, qu’il ne dura pas longtemps, et, après un court sentiment de malaise, de dégoût de moi-même pour mon emportement (j’y étais aussi bien habitué), je poursuivis, toujours chagrin et mécontent, mes réflexions sur le sujet de la discussion. « Si je pouvais seulement voir un jour de cette vie ; si je pouvais seulement en voir un seul ! »

Le train s’arrêta à ma station, à cinq minutes de ma maison, qui était au bord de la Tamise, un peu au delà d’un pont suspendu fort laid. Je