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— En effet, dit Dick, qui avait encore tiré les rênes, c’est cela. Je ne m’étonne pas que vous trouviez le nom ridicule : mais, après tout, ce n’était l’affaire de personne de le changer, puisque le nom d’un crime éteint ne peut mordre. Pourtant, je me dis quelquefois qu’on aurait dû donner à cet endroit le nom de la grande bataille qui y a été livrée en 1952,… celle-là en valait la peine, si les historiens ne mentent pas.

— Ce qu’ils font généralement, ou du moins faisaient, dit le vieillard. Par exemple, qu’est ce que vous me direz de ceci, voisins ? J’ai lu dans un livre — un livre stupide ! — intitulé Histoire social-démocratique de James, un récit embrouillé d’une bataille qui a eu lieu ici vers l’année 1887 (je retiens mal les dates). Des gens, d’après cette histoire, allaient tenir un meeting de protestation, ou quelque chose comme cela, et le gouvernement de Londres, ou le Conseil, ou la Commission, ou n’importe quel autre corps barbare d’oisons mal venus, tomba sur ces citoyens (comme on les appelait alors), les armes à la main. Cela semble trop ridicule pour être vrai ; mais, d’après cette version de l’histoire, il n’en arriva pas grand chose, ce qui est certainement par trop ridicule pour être vrai.

— Eh bien, dis-je, tout de même votre M. James a raison, et c’est vrai ; sauf qu’il n’y a pas eu de bataille, rien que des gens sans armes et paisibles, attaqués par des ruffians armés de gourdins. — Et ils ont supporté cela ? dit Dick, avec la première expression désagréable que j’aie vue sur sa figure aimable.