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résultat. Mais si le gouvernement avait pu traiter son armée comme une armée véritable, et s’en servir stratégiquement comme un général aurait fait, en considérant le peuple comme un simple ennemi déclaré, que l’on fusille et disperse partout où il se montre, il aurait probablement remporté la victoire à ce moment-là.

— Mais les soldats auraient-ils marché contre le peuple dans ces conditions ?

— Je crois, d’après tout ce que j’ai entendu dire, qu’ils l’auraient fait, s’ils avaient rencontré des corps d’hommes armés, même mal, et si mal qu’ils eussent été organisés. Il semble aussi qu’avant le massacre de Trafalgar-Square, ils auraient pu, somme toute, être entraînés à tirer sur une foule sans armes, bien qu’ils fussent très pénétrés de socialisme. La raison en était qu’ils redoutaient l’emploi par des hommes désarmés en apparence d’un explosif appelé dynamite, dont les ouvriers faisaient grand tapage à la veille de ces événements, bien qu’en définitive il se trouva peu efficace comme instrument de guerre, malgré ce qu’on avait espéré. Naturellement, les officiers de l’armée avivèrent cette crainte tant qu’ils purent, en sorte que les simples soldats crurent probablement ce jour-là qu’on les conduisait à une bataille désespérée avec des hommes qui, en réalité, étaient armés, et dont les armes étaient d’autant plus redoutables, qu’elles étaient cachées. Mais, après le massacre, il fut douteux, à chaque rencontre, que les troupes régulières tireraient sur une foule désarmée ou à demi-armée.