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Aussi, le lendemain matin, le matin du troisième jour de la grève, lorsque les membres du Comité de salut public partirent de nouveau devant le juge, ils se trouvèrent traités avec la plus grande courtoisie, — en somme plutôt comme des envoyés et ambassadeurs que comme des prisonniers. Bref, le juge avait reçu des ordres ; et sans plus d’histoires qu’un long discours stupide, qui aurait pu être écrit ironiquement par Dickens, il acquitta les prisonniers, qui retournèrent à leur lieu de réunion et commencèrent aussitôt une séance régulière. Il était grand temps. Car, ce troisième jour, la masse était vraiment en fermentation. Il y avait, naturellement, un très grand nombre de travailleurs qui n’étaient pas organisés le moins du monde ; des hommes qui avaient été habitués à marcher comme leurs maîtres les poussaient, ou plutôt comme les poussait le système, dont leurs maîtres étaient une partie. Ce système maintenant tombait en ruines, et l’ancienne pression du maître ne s’exerçant plus sur ces pauvres gens, il semblait vraisemblable que les pures nécessités animales et les passions humaines auraient seules quelque prise sur eux, et qu’une simple volte-face générale en serait la conséquence. Il en eût été ainsi certainement, si, en premier lieu, le levain de l’opinion socialiste n’avait pénétré les masses profondes, et si, ensuite, le contact ne s’était alors établi avec des socialistes déclarés, dont un grand nombre ou même la plupart étaient membres des susdits corps de travailleurs.