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réunion ordinaire, et y attendirent les événements avec calme. Ils y furent arrêtés le lundi matin, et auraient été fusillés aussitôt par le général, qui était une simple machine militaire, si le gouvernement n’avait reculé devant la responsabilité de tuer des hommes sans jugement. Il fut d’abord question de les faire juger par une commission spéciale, comme on disait, — c’est-à-dire par un groupe d’hommes résolus à les trouver coupables et dont c’était la fonction. Mais, pour le gouvernement, les sueurs froides succédaient à la fièvre : les prisonniers comparurent devant un jury d’assises. Là, le gouvernement reçut un coup sérieux ; car, malgré le résumé du juge, qui invitait nettement le jury à déclarer les prisonniers coupables, ils furent acquittés, et le jury ajouta à son verdict une dénonciation spontanée, par laquelle il condamnait l’acte de la soldatesque, dans la bizarre phraséologie du temps, comme « inconsidérée, malheureuse et sans nécessité ». Le Comité de Salut public se remit à siéger, et depuis ce moment fut un point de ralliement populaire contre le Parlement. Le gouvernement alors fléchit de toutes parts et fit montre de consentir aux réclamations du peuple, tandis qu’un vaste complot pour faire un coup d’État[1] s’organisait entre les chefs des deux partis dits adverses dans la bataille des factions parlementaires. La fraction bien intentionnée du public fut enchantée et crut que tout danger de guerre civile était passé. La victoire du

  1. En français dans le texte.