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beaux de forme et ornés à profusion, mais sans le « fini » commercial des menuisiers et ébénistes de notre temps. De plus, absence complète de ce que le dix-neuvième siècle appelle « confort », — c’est-à-dire absolue incommodité ; — en sorte que, même sans compter la délicieuse excitation de cette journée, je n’avais jamais encore goûté mon dîner avec tant de plaisir.

Lorsque nous eûmes fini de manger et que nous fûmes restés assis un moment, avec une bouteille de très bon vin de Bordeaux devant nous, Clara revint à la question du sujet des peintures, comme si cela l’avait préoccupée.

Elle les regarda et dit :

— Comment se fait-il, alors que notre vie surtout nous intéresse, que cependant les gens qui s’adonnent à écrire des poèmes ou à peindre des tableaux s’occupent rarement de notre vie moderne, ou, s’ils le font, ont grand soin que leurs poèmes ou leurs peintures n’y ressemblent pas ? Ne sommes-nous pas assez bien pour nous peindre nous-mêmes ? Comment se fait-il que nous trouvions les affreux temps passés si intéressants — en peinture et en poésie ?

Le vieil Hammond sourit :

— Il en a toujours été ainsi et je pense qu’il en sera toujours ainsi quelque raison qu’on en puisse donner. Il est vrai qu’au dix-neuvième siècle lorsqu’il y avait si peu d’art et qu’on en parlait tant, il y avait une théorie d’après laquelle l’art et la littérature d’imagination devaient s’occuper de la vie contemporaine ; mais