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LÀ VIE CANADIENNE 77 C’est cornm’ par chez nous Quand Je mourrai Pierre disait à son voisin, , Habitant d’un canton voisin : —Par chez vous comment vont les choses ? Ici, ma foi, tout n’est pas rose, Nos avocats sont des bavards, Et tous nos marchands des vantards De leur marchandise. —Puisqu’on en devise, (1) Mon cousin, c’est, par chez vous, Tout comm’ par chez nous, (bis) Mais Jean reprit : — Dans mon canton Tous ceux qui prennent le haut ton Ne sont pas toujours les moins bêtes ; Et le vent remplit bien des têtes Que surchargent de gros bonnets Et que portent de grands benêts. J’en ris à ma guise ! —Puisqu’on en devise. Mon cousin, c’est, par chez vous, Tout comm’ par chez nous, (bis) —Le docteur est un bon garçon Qui sait par coeur une leçon Pour guérir chaque maladie. Ma femme y croit, je m’en défie ; Au ciel même il donnera tort Si je meurs de ma belle mort Sans qu’il s’en avise. —Puisqu’on en devise. Mon cousin, c’est, par chez vous, Tout comm’ par chez nous, (bis) —Pierre, combien as-tu d’enfants ? —Dix, mais, malgré mes cinquante ans, Je trouve toujours que nos filles Sont vives, aimantes, gentilles, Fidèles à leurs “cavaliers” Et souples comm’ des gadelliers Qu’agite la brise. —Puisqu’on en devise. Mon cousin, c’est, par chez vous, Tout comm’ par chez nous, (bis) —Aussi, malgré mille travers, Malgré les e-prits à l’envers, Au pays je veux toujours croire... Si les docteurs s’en font accroire, Si les avocats parlent trop, Si les marchands sont sur not’ dos... Bah ! je prends une prise ! —Puisqu’on en devise, Ailleurs c’est pir’ que chez vous : —Et mêm’ pire que chez nous, (bis) 1862. BLAIN DE SAINT-AUBIN Quand je mourrai, ne venez pas Jeter des fleurs sur mon trépas ; Tressez à d’autres des guirlandes, Faites aux vivants vos offrandes. Priez un peu, si vous croyez, Pleurez un peu, si vous m’aimez, Mais soyez vrais et solitaires Dans vos larmes et dans vos prières. Ne feignez pas de désespoir : Chantez en me veillant, le soir, Chantez un lied à ma jeunesse Qui m’a menti dans ses promesses. Trompez la mort quand je mourrai, Ne venez pas de noir parés ; N’endeuillez pas pour moi vos lyres, Pour moi n’étouffez pas vos rires. Ouvrez la fenêtre au soleil, Que ce dernier jour soit pareil Aux jours de l’abondante vie Dont je mourrai inassouvie. Laissez jouer dans mes cheveux Le vent qui les fera joyeux ; Laissez le vent souffleter les cierges, Et rythmez une danse vierge. Soyez fervents, les jeunes gens, Ayez de l’âme dans vos chants ; Les jeunes filles, soyez belles, Tendres comme des tourterelles. Enlacez vos bras amoureux, Voilez le trouble de vos yeux, Rapprochez vos lèvres fidèles, Jurez des amours éternelles. Je quitterai tout paradis Alors, c’est moi qui vous le dis ; Et si vos serments sont sincères, Je viendrai regretter la terre. JOVETTE Extrait de Blain de Saint-Aubin et son oeuvre. Volume sous presse aux Editions Edouard Garand. (1) Deviser est employé ici dans son sens ancien, français, qui signifie : causer familièrement.