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pieds de chèvre, le Centaure ou les Elfes aux yeux

 pétillants de gaîté, qui laissent des anneaux pour
 trace de leurs danses, dans la prairie, afin de taquiner
 l'aurore, et ne sont pas plus près que vous
 et moi des mystères de la nature, car nous entendrons
 battre le coeur du merle, et croître les marguerites,
 et la perce-neige défaillante soupirer après le
 soleil, dans les jours sombres de l'hiver; nous saurons
 par qui sont lissés les fils argentés de la Vierge,
 à qui les fritillaires diaprées doivent leur peinture,
 et qui donne à l'aigle de larges ailes pour voler d'un
 pin frissonnant à un autre.
 Oui, si nous n'avions jamais aimé, qui sait si
 cette asphodèle que voilà aurait attiré l'abeille en
 son sein doré, ou si la rose eût jamais suspendu à
 toutes ses branches ses lampes cramoisies. À ce
 qu'il me semble, nulle feuille ne devrait jamais
 bourgeonner au printemps, sinon pour les lèvres
 qu'ont les amants pour le baiser, pour les lèvres
 avec lesquelles chantent les poètes.
 Le soleil doit-il donc perdre sa lumière, ou cette
 lèvre façonnée par l'art de Dédale est-elle moins
 belle, parce que nous héritons de la nature, et ne
 faisons qu'un avec chaque battement du pouls vital
 qui agite l'air? Que plutôt de nouveaux soleils parcourent
 le ciel, que la fleur prenne une nouvelle