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d'églantine, qui voudrait être blanche, mais qui

 rougit de son orgueil, rit tout bas dans son amour,
 si bien que le jaloux Salmacis, épiant à travers le
 feuillage des myrtes, soupire dans la douleur de la
 volupté solitaire.
 Là-haut ne souffle jamais ce terrible vent du Nord
 qui laisse nos forêts d'Angleterre mornes et nues,
 jamais la neige rapide n'y tombe en blanc duvet,
 jamais l'éclair aux rouges dentelures ne se risque à
 les réveiller dans la nuit cerclée d'argent, alors que
 nous pleurons sur quelque douce et triste faute, sur
 quelque délice mort.
 Hélas! eux, ils connaissent la lointaine source du
 Léthé, ils les connaissent bien, les eaux qui se cachent
 parmi les violettes, où celui dont les pieds meurtris
 sont las d'errer, peut reprendre courage et marcher,
 et boire à ces profondeurs l'eau fraîche et cristalline,
 y puiser un baume du sommeil pour les âmes que
 fuit le sommeil, un engourdissement de la douleur.
 Mais nous comprimons nos natures; Dieu, ou le
 Destin est notre ennemi. Assez de ce désespoir qui
 accompagne partout le plaisir, assez de tous les
 temples que nous avons bâtis, assez d'avoir fait de
 justes prières jamais exaucées, car l'homme est
 faible, Dieu dort, et le ciel est haut. Un instant
 brillamment coloré, un seul grand amour, et voilà
 que nous mourons.