Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

cet hôte inattendu, entra, se planta profondément,

 se fit un passage invisible, et creusa de sa pointe un
 sillon sanglant, se fraya une longue route rouge
 et les ailes de mort lui fendirent le coeur.
 Exhalant sa vie dans un sanglot, dans un cri de
 désespoir, la jeune Dryade tomba sur le corps de
 l'adolescent. Elle sanglotait sur sa virginité restée
 inféconde, sur les délices dont elle n'avait point
 joui, sur les plaisirs défunts, de toute la douleur
 des choses restées sans récompense, et les gouttes
 brillantes de sa jeunesse coulèrent en un filet de
 pourpre de son côté palpitant.
 Ah! c'était pitié que d'entendre sa plainte, c'était
 grande pitié de la voir mourir avant qu'elle eût fait
 présent de ses charmes, ou connût la joie de la
 passion, ce mystère redoutable, tel que l'ignorer,
 c'est ne point vivre, et que pourtant l'on ne saurait
 le connaître sans être pris dans les plus pesantes
 chaînes de la mort.
 Mais par hasard, la Reine de Cythère, qui avait
 passé toute la nuit aux côtés d'Adonis, dans la hutte
 d'un berger arcadien, revenant à Paphos, sur son
 char en bois doré attelé de colombes argentées,
 voguait à des hauteurs que n'atteint pas l'oeil des
 mortels, entre les montagnes et l'étoile du matin;
 Elle jeta les yeux vers la terre, et aperçut le
 couple infortuné. Elle entendit le faible cri de