Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme un bouclier d'argent, la lune se balança

 dans la hauteur du ciel de saphir, est-ce qu'un rêve
 étrange, un mauvais souvenir ne vint point agiter
 tous les pétales tremblants de ses fleurs?
 Oh! non, à cette fleur magnifique, un millier
 d'années ne semblait que la prolongation d'un
 beau jour d'été. Elle ne connaissait rien de la marée
 des craintes rongeantes, qui changent en un
 gris terne l'or de la chevelure chez un jeune homme.
 Elle ne connut jamais la terrible aspiration après la
 mort, ni le regret que doivent éprouver tous les
 mortels d'être nés.
 Car nous allons à la mort en jouant de la flûte,
 en dansant, et nous ne voudrions point repasser par
 la porte d'ivoire, ainsi qu'un fleuve mélancolique,
 las de couler, s'élance comme un amant, dans la
 terrible mer, et trouve qu'il y a profit à mourir si
 glorieusement.
 Nous gaspillons notre force majestueuse en luttes
 infécondes contre les légions du monde conduites
 par le bruyant souci; jamais elle ne sent la décadence,
 mais elle puise de la vie dans la pure lumière
 du soleil, et dans l'air sublime; nous vivons sous la
 puissance ravageuse du Temps; elle est l'enfant de
 toute éternité.