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possèdent la fleur de la terre anglaise,--ces lèvres

 que les lèvres ne baiseront plus jamais, ces mains
 qui jamais ne te serreront la main.
 Et maintenant qu'avons-nous gagné à enserrer
 tout le globe terrestre en des filets d'or, si l'on
 trouve caché dans notre coeur le souci qui ne
 vieillit jamais?
 À quoi nous sert-il que nos galères couvrent,
 comme une forêt de pins, toute partie de la mer?
 La ruine et le naufrage sont à nos côtés, en farouches
 gardiens de la Maison de douleur.
 Où sont les braves, les forts, les rapides? Où est
 notre chevalerie anglaise? Les herbes sauvages leur
 servent de linceul, et le sanglot des vagues est leur
 plainte funèbre.
 O bien-aimés qui gisez bien loin, quel mot d'affection
 peuvent envoyer des lèvres mortes? O poussière
 perdue, ô argile insensible! Est-ce pour finir,
 est-ce pour finir ainsi?
 Paix! Paix! c'est offenser les nobles morts que
 de tourmenter ainsi leur sommeil solennel. Bien que
 privée de ses enfants, et la tête couronnée d'épines,
 l'Angleterre doive monter la route escarpée.
 Et pourtant, quand ce pénible tertre sera achevé,
 ses veilleurs signaleront de loin la jeune République
 comme un soleil qui surgit des mers empourprées
 de la guerre.