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une torche enflammée brille au ciel, l'injuste lumière

 du jour la tue sans délai, et nulle trompette de guerre
 ne peut rendre la voix de la passion à la muette poussière,
 qui jadis était Manzini! La riche Niobé avait
 ses fils pour se consoler des douleurs qu'elle éprouvait
 dans sa pierre,--mais l'Italie!
 Quel jour de Pâques ressuscitera-t-il encore ses
 enfants, eux qui n'étaient pas Dieu, et néanmoins
 ont souffert? Quels pieds iront sans s'égarer jusqu'à
 leurs suaires aux multiples replis? Quels yeux clairs
 les verront en chair et en os. Oh! qu'il serait
 opportun de racler la pierre de dessus leur sépulcre,
 et de baiser les roses saignantes de leurs blessures,
 par amour d'Elle,
 de notre Italie! notre mère visible! La plus
 sainte parmi toutes les nations, et la plus triste,
 pour la cause chérie de laquelle le jeune Calabrais
 tomba en cette journée d'Aspromonte, le coeur
 joyeux, qu'en un siècle où Dieu s'achète et se vend,
 un homme se trouvât, mourant pour la Liberté!
 mais nous autres, qui sommes consumés, refroidis,
 nous voyons l'honneur souffleté et des entraves
 enchaîner les beaux pieds de la Pitié; la Pauvreté
 se glisse dans nos rues sans soleil, et d'un couteau
 bien affilé, d'une main furtive coupe la gorge chaude
 aux enfants. Et personne ne dit mot. Oh! nous
 sommes