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II


En entrant, ils aperçurent Dorian Gray. Il était assis au piano, leur tournant le dos, feuilletant les pages d’un volume des « Scènes de la Forêt » de Schumann.

— Vous allez me les prêter, Basil, cria-t-il… Il faut que je les apprenne. C’est tout à fait charmant.

— Cela dépend comment vous poserez aujourd’hui, Dorian…

— Oh ! Je suis fatigué de poser, et je n’ai pas besoin d’un portrait grandeur naturelle, riposta l’adolescent en évoluant sur le tabouret du piano d’une manière pétulante et volontaire…

Une légère rougeur colora ses joues quand il aperçut lord Henry, et il s’arrêta court…

— Je vous demande pardon, Basil, mais je ne savais pas que vous étiez avec quelqu’un…

— C’est lord Henry Wotton, Dorian, un de mes vieux amis d’Oxford. Je lui disais justement quel admirable modèle vous étiez, et vous venez de tout gâter…

— Mais mon plaisir n’est pas gâté de vous rencontrer, M. Gray, dit lord Henry en s’avançant et lui tendant la main. Ma tante m’a parlé souvent de vous. Vous êtes un de ses favoris, et, je le crains, peut-être aussi… une de ses victimes…