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j’ai donné mon âme entière à un être qui la traite comme une fleur à mettre à son habit, comme un bout de ruban pour sa vanité, comme la parure d’un jour d’été…

— Les jours d’été sont bien longs, souffla lord Henry… Peut-être vous fatiguerez-vous de lui plutôt qu’il ne le voudra. C’est une triste chose à penser, mais on ne saurait douter que l’esprit dure plus longtemps que la beauté. Cela explique pourquoi nous prenons tant de peine à nous instruire. Nous avons besoin, pour la lutte effrayante de la vie, de quelque chose qui demeure, et nous nous emplissons l’esprit de ruines et de faits, dans l’espérance niaise de garder notre place. L’homme bien informé : voilà le moderne idéal… Le cerveau de cet homme bien informé est une chose étonnante. C’est comme la boutique d’un bric-à-brac, où l’on trouverait des monstres et… de la poussière, et toute chose cotée au-dessus de sa réelle valeur.

« Je pense que vous vous fatiguerez le premier, tout de même… Quelque jour, vous regarderez votre ami et il vous semblera que « ça n’est plus ça » ; vous n’aimerez plus son teint, ou toute autre chose… Vous le lui reprocherez au fond de vous-même et finirez par penser qu’il s’est mal conduit envers vous. Le jour suivant, vous serez parfaitement calme et indifférent. C’est regrettable, car cela vous changera… Ce que vous m’avez dit est tout à fait un roman, un roman d’art, l’appellerai-je, et le désolant de cette manière de roman est qu’il vous laisse un souvenir peu romanesque…

— Harry, ne parlez pas comme cela. Aussi longtemps que Dorian Gray existera, je serai dominé par sa personnalité. Vous ne pouvez sentir de la même façon que moi. Vous changez trop souvent.

— Eh mon cher Basil, c’est justement à cause de