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LE PORTRAIT

France, portant un costume couvert de cinq cent soixante perles. Ce goût l’obséda pendant des années, et l’on peut croire qu’il ne le quitta jamais.

Il passait souvent des journées entières, rangeant et dérangeant dans leurs boîtes les pierres variées qu’il avait réunies, par exemple, le chrysobéryl vert olive qui devient rouge à la lumière de la lampe, le cymophane aux fils d’argent, le péridot couleur pistache, les topazes rosés et jaunes, les escarboucles d’un fougueux écarlate aux étoiles tremblantes de quatre rais, les pierres de cinnamome d’un rouge de flamme, les spinelles oranges et violacées et les améthystes aux couches alternées de rubis et de saphyr.

Il aimait l’or rouge de la pierre solaire, la blancheur perlée de la pierre de lune, et l’arc-en-ciel brisé de l’opale laiteuse. Il fit venir d’Amsterdam trois émeraudes d’extraordinaire grandeur et d’une richesse incomparable de couleur, et il eut une turquoise de la vieille roche qui fit l’envie de tous les connaisseurs.

Il découvrit aussi de merveilleuses histoires de pierreries… Dans la « Cléricalis Disciplina » d’Alphonse, il est parlé d’un serpent qui avait des yeux en vraie hyacinthe, et dans l’histoire romanesque d’Alexandre, il est dit que le conquérant d’Emathia trouva dans la vallée du Jourdain des serpents « portant sur leurs dos des colliers d’émeraude ».

Philostrate raconte qu’il y avait une gemme dans la cervelle d’un dragon qui faisait que « par l’exhibition de lettres d’or et d’une robe de pourpre » on pouvait endormir le monstre et le tuer.

Selon le grand alchimiste, Pierre de Boniface, le diamant rendait un homme invisible, et l’agate des Indes le faisait éloquent. La cornaline apaisait la colère, l’hya-