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DE DORIAN GRAY

tant et le regardant avec un étonnement perplexe. Mais, mon cher Dorian…

— Oui, Harry. Je sais ce que vous m’allez dire : un éreintement du mariage ; ne le développez pas. Ne me dites plus rien de nouveau là-dessus. J’ai offert, il y a deux jours, à Sibyl Vane de l’épouser ; je ne veux point lui manquer de parole : elle sera ma femme…

— Votre femme, Dorian !… N’avez-vous donc pas reçu ma lettre ?… Je vous ai écrit ce matin et vous ai fait tenir la lettre par mon domestique.

— Votre lettre ?… Ah ! oui, je me souviens ! Je ne l’ai pas encore lue, Harry. Je craignais d’y trouver quelque chose qui me ferait de la peine. Vous m’empoisonnez la vie avec vos épigrammes.

— Vous ne connaissez donc rien ?…

— Que voulez-vous dire ?…

Lord Henry traversa la chambre, et s’asseyant à côté de Dorian Gray, lui prit les deux mains dans les siennes, et les lui serrant étroitement :

— Dorian, lui dit-il, ma lettre — ne vous effrayez pas ! — vous informait de la mort de Sibyl Vane !…

Un cri de douleur jaillit des lèvres de l’adolescent ; il bondit sur ses pieds, s’arrachant de l’étreinte de lord Henry :

— Morte !… Sibyl morte !… Ce n’est pas vrai !… C’est un horrible mensonge ! Comment osez-vous dire cela ?

— C’est parfaitement vrai, Dorian, dit gravement lord Henry. C’est dans les journaux de ce matin. Je vous écrivais pour vous dire de ne recevoir personne jusqu’à mon arrivée. Il y aura une enquête dans laquelle il ne faut pas que vous soyez mêlé. Des choses comme celles-là, mettent un homme à la mode à Paris, mais à