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DE DORIAN GRAY

laissé ignorer vos fiançailles. Harry les connaissait.

— Et je vous en veux d’arriver en retard, interrompit lord Henry en mettant sa main sur l’épaule du jeune homme et souriant à ce qu’il disait. Allons, asseyons-nous et voyons ce que vaut le nouveau chef ; vous nous raconterez comment cela est arrivé.

— Je n’ai vraiment rien à vous raconter, s’écria Dorian, comme ils prenaient place autour de la table. Voici simplement ce qui arrive. En vous quittant hier soir, Harry, je m’habillai et j’allai dîner à ce petit restaurant italien de Rupert Street où vous m’avez conduit, puis me dirigeai vers les huit heures au théâtre. Sibyl jouait Rosalinde. Naturellement les décors étaient ignobles et Orlando absurde. Mais Sibyl !… Ah ! si vous l’aviez vue ! Quand elle vint habillée dans ses habits de garçon, elle était parfaitement adorable. Elle portait un pourpoint de velours mousse avec des manches de nuance cannelle, des hauts-de-chausses marron clair aux lacets croisés, un joli petit chapeau vert surmonté d’une plume de faucon tenue par un diamant et un capuchon doublé de rouge foncé. Elle ne me sembla jamais plus exquise. Elle avait toute la grâce de cette figurine de Tanagra que vous avez dans votre atelier, Basil. Ses cheveux autour de sa face lui donnaient l’air d’une pâle rose entourée de feuilles sombres. Quant à son jeu !… vous la verrez ce soir !… Elle est née artiste. Je restais dans la loge obscure, absolument sous le charme… J’oubliais que j’étais à Londres, au XIXe siècle. J’étais bien loin avec mon amour dans une forêt que jamais homme ne vit. Le rideau tombé, j’allais dans les coulisses et lui parlai. Comme nous étions assis l’un à côté de l’autre, un regard brilla soudain dans ses yeux que je n’avais encore surpris. Je lui ten-