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l’introduction des sorcières au premier acte, avec leurs phrases grotesques, leurs mots ridicules. Mais quand la pièce tire à sa fin, l’on comprend que le rire des sorcières dans Macbeth est aussi terrible que le rire de la folie dans Le Roi Lear, plus terrible que le rire d’Iago dans la tragédie du Maure.

Aucun spectateur d’art n’a plus besoin d’un plus parfait état de réceptivité que le spectateur d’une pièce. Dès le moment où il prétend exercer de l’autorité, il se fait l’ennemi déclaré de l’Art et de lui-même. L’Art ne s’en soucie guère ; c’est l’autre, qui en souffre.

Pour le roman, c’est la même chose.

L’autorité populaire et la soumission à l’autorité populaire sont mortelles.

L’Esmond de Thackeray est une belle œuvre d’art, parce qu’il l’a écrite pour son propre plaisir. Dans ses autres romans, dans Pendennis, dans Philippe, dans la Foire aux Vanités même, il regarde un peu trop du côté du public, il gâte son œuvre, en faisant un appel trop direct aux sympathies du public, ou en s’en raillant directement.