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Mais en ce qui concerne Shakespeare, il est parfaitement évident que le public ne voit en réalité ni les beautés, ni les défauts de ses pièces. S’il en voyait les beautés, il ne s’opposerait pas au développement du drame ; s’il en voyait les défauts, il ne s’opposerait pas non plus au développement du drame.

La vérité, c’est que le public se sert des classiques d’un pays comme d’un moyen pour tenir en échec les progrès de l’Art.

Il abaisse les classiques au rang d’autorités. Il s’en sert comme d’autant de triques pour empêcher la Beauté de s’exprimer librement en ses formes nouvelles. Il demande sans cesse à l’écrivain pourquoi il n’écrit pas comme tel ou tel autre, à un peintre pourquoi il ne peint pas comme celui-ci ou celui-là. Il perd complètement de vue ce fait que si l’un ou l’autre faisaient quoi que ce soit d’analogue, ils cesseraient d’être des artistes.

Le public a une franche aversion contre une forme nouvelle de la beauté, et toutes les fois qu’il en surgit une, il se met tellement en colère, il s’affole tellement, qu’il en vient tou-