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toute autorité est profondément dégradante. Elle dégrade ceux qui l’exercent. Elle dégrade ceux qui en subissent l’exercice.

Lorsqu’on en use violemment, brutalement, cruellement, cela produit un bon effet, en créant, et toujours en faisant éclater l’esprit de révolte, d’individualisme qui la tuera.

Lorsqu’on la manie avec une certaine douceur, qu’on y ajoute l’emploi de primes et de récompenses, elle est terriblement démoralisante. Dans ce cas, les gens s’aperçoivent moins de l’horrible pression qu’on exerce sur eux, et ils vont jusqu’au bout de leur vie dans une sorte de bien-être grossier, pareils à des animaux qu’on choie ; jamais ils ne se rendent compte qu’ils pensent probablement la pensée d’autrui, qu’ils vivent selon l’idéal conçu par d’autres, qu’en définitive, ils portent ce qu’on peut appeler des vêtements d’occasion, que jamais, pas une minute, ils ne sont eux-mêmes.

« Quiconque veut être libre, dit un fin penseur, doit se soustraire à l’uniformité. » Et l’autorité, en encourageant par des appâts