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par force dans une rainure, et mis ainsi dans l’impossibilité de développer librement ce qui, en lui, est merveilleux, fascinant, exquis, — mis par là même hors d’état de sentir le vrai plaisir, la joie de vivre.

En outre, dans les conditions actuelles, l’homme jouit de très peu de sécurité.

Un négociant qui possède une fortune énorme, peut être, et il est en effet, à chaque instant de sa vie, à la merci de choses sur lesquelles il n’a aucune influence. Que la direction du vent se déplace de quelques points, que le temps change brusquement, qu’il se produise un incident trivial, que son vaisseau coule, que ses spéculations tournent mal, et il se trouvera dans le rang des pauvres : sa situation sociale disparaîtra complètement.

Or, il faudrait qu’un homme ne souffre que du mal qu’il se fait à lui-même. Il faudrait qu’il soit impossible de voler un homme. Ce que l’on possède réellement, on l’a en soi. Il faudrait que ce qui est en dehors d’un homme soit entièrement dépourvu d’importance.

Abolissons la propriété privée, et nous au-