Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
LE FANTÔME DE CANTERVILLE

ridicule tache de sang dans la bibliothèque. Vous avez commencé par me prendre tous mes rouges, y compris le vermillon, de sorte qu’il m’est impossible de faire des couchers de soleil. Puis, vous avez pris le vert émeraude, et le jaune de chrome. Finalement il ne me reste plus que de l’indigo et du blanc de Chine. Je n’ai pu faire depuis que des clairs de lune, qui font toujours de la peine à regarder, et qui ne sont pas du tout commodes à colorier. Je n’ai jamais rien dit de vous, quoique j’aie été bien ennuyée, et tout cela, c’était parfaitement ridicule. Est-ce qu’on a jamais vu du sang vert émeraude ?

— Voyons, dit le fantôme, non sans douceur, qu’est-ce que je pouvais faire ? C’est chose très difficile par le temps qui court de se procurer du vrai sang, et puisque votre frère a commencé avec son Détacheur incomparable, je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas employé vos couleurs à résister. Quant à la nuance, c’est une affaire de goût : ainsi par exemple, les Canterville ont le sang bleu, le sang le plus bleu qu’il y ait en Angleterre…