Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée

la traduction de M. Morris n’est point un vêtement fait de haillons cousus ensemble, avec des lambeaux de pourpre, que les critiques prendraient comme spécimens.

La valeur réelle en est dans la justesse, la cohésion absolue du tout, dans l’architecture grandiose du vers rapide et énergique, dans le fait que le but poursuivi est non seulement élevé, mais encore maintenu constamment.

Il est impossible, malgré cela, de résister à la tentation de citer la traduction donnée par M. Morris du fameux passage du vingt-troisième livre, où Odysseus esquive le piège, tendu par Pénélope, que son espérance même du retour certain de son mari rend sceptique, alors qu’il est là, devant elle.

Pour le dire en passant, c’est un exemple de la merveilleuse connaissance psychologique du cœur humain que possédait Homère. On y voit que c’est le songeur lui-même qui est le plus surpris quand son rêve devient réalité.

    Ainsi elle dit, pour mettre son mari à l’épreuve, mais
      Odysseus, peiné en son cœur,
    parla aussi à sa compagne habile dans l’art d’ouvrer :
    « O femme, tu dis une parole extrêmement cruelle pour
      moi !
    Qui donc aurait changé la place de mon lit : ce serait une
      tâche bien malaisée pour lui,
    Car, si adroit qu’il fût, à moins qu’un Dieu même vînt
      furtivement ici,
    (et un dieu pourrait, en vérité, le transporter s’il le
      voulait partout ailleurs sans peine)