Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gereux, mais nous devons nous souvenir que Chuang-Tzù vivait il y a plus de deux mille ans et qu’il n’eut jamais l’occasion de voir notre incomparable civilisation.

Et pourtant il pourrait se faire que s’il revenait sur terre, et qu’il nous rendît visite, il eût quelque chose à dire à M. Balfour, au sujet de sa contrainte, et de l’activité avec laquelle l’Irlande est mal gouvernée.

Il sourirait peut-être de certaines de nos ardeurs philanthropiques.

Il hocherait la tête devant un grand nombre de nos institutions de bienfaisance. Le Bureau Scolaire ne lui ferait peut-être pas beaucoup d’impression, et notre course à la richesse ne le frapperait point d’admiration.

Il serait étonné de nos idéals et pris de mélancolie à voir ce que nous avons réalisé.

Peut-être vaut-il mieux que Chuang-Tzù ne puisse pas revenir ici-bas.

En attendant grâce à M. Giles et à M. Quaritch, nous avons son livre pour nous consoler, et c’est certainement là un livre charmant, exquis.

Chuang-Tzù est un des Darwiniens qui ont précédé Darwin.

Il suit l’homme à partir du germe et voit son unité avec la nature.

Comme anthropologiste, il est extrêmement intéressant, et il décrit notre ancêtre, le primitif habitant des arbres, où il vivait dans l’épouvante d’animaux plus forts que lui, et ne se connaissant d’autre