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La conséquence de tout cela fut que le monde perdit son équilibre, et que depuis lors, il marche d’un pas incertain.

Quel est donc, selon Chuang-Tzù, l’homme parfait ? Et de quelle façon vit-il ?

L’homme parfait ne fait pas autre chose que de contempler l’univers.

Il n’adopte aucune attitude absolue.

Dans le mouvement, il est comme l’eau. Dans le repos, il est comme un miroir. Et, comme l’écho, il ne répond que quand on l’appelle.

Il laisse les choses extérieures s’arranger à leur gré. Rien de matériel ne lui fait du tort ; rien de spirituel ne le punit.

Son équilibre mental lui donne l’empire du monde.

Il n’est jamais l’esclave des existences objectives.

Il sait que de même que les meilleurs propos sont ceux qu’on ne tient jamais, de même la meilleure action est celle qu’on n’accomplit jamais.

Il est passif, et il accepte les lois de la vie.

Il se repose dans l’inaction, et il voit le monde devenir, de lui-même, vertueux.

Il ne tente jamais de « réaliser ses bonnes actions. »

Il ne se dépense jamais en effort.

Il ne se met point en peine de distinctions morales.

Il sait que les choses sont ce qu’elles sont et que les conséquences en seront ce qu’elles seront.

Son esprit est le « miroir de la création » et il est toujours en paix.

Il est évident que tout cela est excessivement dan-