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Ses chants sont presque toujours trop sonores pour son sujet.

Sa magnifique rhétorique, nulle part plus magnifique que dans le volume que nous avons en ce moment sous les yeux, cache plutôt qu’elle ne révèle.

On a dit de lui, et avec grande vérité, qu’il est un maître du langage, mais on peut dire avec plus de vérité encore que le langage est son maître.

Il semble que les mots le dominent.

L’allitération le tyrannise.

Le son pur règne souvent sur lui.

Il est si éloquent que tout ce qu’il touche devient irréel.

Prenons la pièce sur l’Armada :

« Les ailes du vent du Sud-Ouest s’élargissent, le souffle de ses lèvres ardentes. Plus tranchant que le fil d’une épée, plus brûlant que le feu, tombe en plein sur les navires qui plongent. C’est lui le pilote de la fuite vers le nord, lui leur homme et l’homme de la barre : un homme de barre vêtu de la tempête, ceint de force pour contraindre la mer. Et l’armée qu’ils forment, tremble, et frissonne dans la rude étreinte de sa main comme un oiseau sous les filets. Car la fureur et la joie qui le possèdent sont plus puissantes que celle de l’homme qu’il égorge et dépouille. Et vainement, le cœur coupé en deux, avec l’effort d’une volonté indécise, le chef de leur armée tient conseil avec l’espoir se demandant si l’étoile favorable brille encore.

Nous avons déjà entendu cela sous une forme ou sous une autre.

Cela vient-il de ce que parmi tous les poètes qui ont jamais vécu, M. Swinburne est le plus limité dans ses images ?