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Pour mûrir ses facultés, concentrer ses actes, apprendre le secret de sa propre force, et de la faiblesse de l’Angleterre, l’intellect celtique a dû traverser l’Atlantique.

Chez lui, il n’avait appris que la touchante faiblesse de la nationalité ; à l’étranger, il a pris conscience des forces indomptables que possède la nationalité.

Ce que fut pour les Juifs la captivité, l’exil l’a été pour les Irlandais.

L’Amérique et l’influence américaine ont fait leur éducation.

Leur premier chef pratique est un Irlandais américain.

Mais si le livre de M. Froude n’a point de relation pratique avec la politique irlandaise moderne et ne présente point de solution de la question présente, il a une certaine valeur historique.

C’est un vivant tableau de l’Irlande dans la dernière moitié du dix-huitième siècle, tableau où les lumières sont souvent fausses, les ombres exagérées, mais ce n’en est pas moins un tableau.

M. Froude avoue le martyre de l’Irlande, mais il regrette que le martyre n’ait point été poussé jusqu’au bout.

Le reproche, qu’il fait au bourreau, n’est point d’exercer son métier, mais de le bousiller.

Il ne reproche point à l’épée d’être cruelle, mais d’être émoussée.

Un gouvernement résolu, ce Shibboleth superficiel de ceux qui ne comprennent pas quelle chose compli-