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vers le poteau gagnant était un plus beau tour de force que de « babiller sur la verdure des prés. »

En somme, on ne saurait que regretter l’émigration de Gordon.

On ne peut lui refuser de la valeur littéraire, mais elle fut paralysée par un milieu défavorable, et gachée par la rude existence qu’il fut obligé de mener.

L’Australie a transformé un bon nombre de nos ratés en médiocrités prospères et admirables, mais elle nous a sûrement gâté un de nos poètes.

Ovide à Tomi n’est pas plus tragique que Gordon menant des bêtes à cornes ou exploitant une improductive ferme à moutons.

Mais l’Australie fera quelque jour amende honorable en produisant un poète qui soit bien à elle, nous n’en doutons pas, et pour lui il y aura de nouveaux accents à faire entendre, de nouvelles merveilles à nous conter.

La description, que donne dans la préface de ce volume M. Marcus Clarke, de l’aspect et de l’esprit de la Nature en Australie est des plus curieuses et des plus suggestive.

« Les forêts australiennes », nous dit-il, sont funèbres et sévères, et paraissent « étouffer, dans leurs gorges noires, une histoire de morne désespoir ».

Pas de chute des feuilles, « mais le mélancolique gommier laisse pendre de son tronc des bandes sonores d’écorce blanche.

« De grands kangourous qui bondissent sans bruit sur une herbe grossière, des vols de Kakatoès passent, en jetant des cris d’âmes en peine.