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Thiodolf ne leva pas un instant les yeux vers le ciel, ni vers les arbres, en parcourant le sol semé de cosses, que formait la pelouse, mais ses yeux regardaient droit devant lui, vers le point qui formait le centre de la pelouse.

Il n’y avait rien d’étonnant à cela, car là, sur un siège de pierre, une femme était assise, d’une extrême beauté, vêtue d’un vêtement scintillant, dont la chevelure s’épandait aussi pâle à la lumière de la lune sur la terre grise que les plaines couvertes d’orge, en une nuit d’août, avant que les faucilles recourbées y passent.

Elle était assise là comme dans l’attente de quelqu’un. Il ne suspendit point sa marche, il ne s’arrêta point, il alla droit à elle, la prit dans ses bras, lui baisa la bouche et les yeux. Elle lui rendit ses caresses. Alors il s’assit à côté d’elle.

Comme exemple de la beauté du vers, nous donnerions ce passage du chant de Soleil des Bois.

Il montre au moins, avec quelle perfection la poésie s’harmonise avec la prose, et combien est naturelle la transition de l’une à l’autre.

    « En maints endroits habite la Destinée, qui ne dort ni
      jour ni nuit.
    Elle baise le bord de la coupe et porte le flambeau à la
      flamme vacillante
    quand les rois des hommes quittent la table, heureux,
      pour le lit nuptial.
    C’est peu de dire qu’elle émousse le tranchant de l’épée
      aiguisée,
    lorsqu’elle erre pendant bien des jours par la maison à
      demi construite.
    Elle balaie du rivage le navire, et sur la route accoutumée,
    le chasseur montagnard va là où son pied ne glissa jamais.