Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/212

Cette page n’a pas encore été corrigée

    Alors je me traînai à ses pieds, devant celle dont la cause chérie
    m’avait engagé dans ces hasards, et je lui dis : « Regarde,
    les blessures que je reçus pour toi dans ces guerres ».

    Mais elle : « Pauvre estropié, crois-tu donc que j’épouserais
    un tronc sans membres ?… » Elle rit et se détourna de moi.
    Pourtant elle était belle et se nommait « La Liberté ».

Le sonnet qui commence ainsi :

    Une prison est un couvent sans Dieu :
    Pauvreté, chasteté, obéissance.
    Voilà ses règles

est très beau, de même que le suivant, écrit aussitôt après avoir franchi la porte de la prison :

    Nu j’entrai dans le monde de plaisir,
    Et nu j’entre en cette maison de souffrance.
    Ici, à cette porte je dépose le trésor de ma vie,
    mon orgueil, mes vêtements, et le nom que je portais parmi les hommes.

    Désormais le monde et moi nous serons comme deux.
    Aucun bruit de moi ne percera, pour le bien ou le mal,
    ces murs de douleur, ni je n’entendrai le vain
    rire et les larmes de ceux qui m’aiment encore.

    Ici quelle vie nouvelle m’attend ? Peu d’aise,
    une froide couche, des nuits sans sommeil,
    les ordres d’une voix dure, aucune voix qui apaise, qui plaise.

    Pour amis, de pauvres voleurs, pour livres des réglements sans
      signification.
    Cela, c’est la tombe, — non c’est l’enfer. Pourtant, ô Seigneur de
      puissance
    mon esprit, dans la lumière, verra encore la lumière.