Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

fermé dans son atelier, que de pouvoir isoler « un petit coin de vie », comme disent les Français, d’avec les alentours qui le gâtent et d’être en mesure de l’étudier dans certaines conditions de lumière et d’ombre.

Mais cet isolement même conduit souvent le peintre au maniérisme, et lui fait perdre cette large compréhension des faits généraux de la vie qui est l’essence même de l’art.

En un mot, la peinture, d’après le modèle, peut être la condition de l’art, mais ne saurait en être le but.

C’est simplement la pratique, non la perfection.

Son exercice forme l’œil et la main du peintre, son abus produit, dans son œuvre, un pur effet de pose et de joliesse.

Si donc on trouve un caractère aussi artificiel à l’art moderne, on en découvrira la raison secrète dans cette pose constante de jolies personnes.

Et quand l’art est artificiel, il devient monotone.

En dehors du petit monde de l’atelier, avec ses draperies et son bric-à-brac, s’étend le monde de la vie avec son infini, sa variété shakespearienne.

Nous devons toutefois distinguer entre les deux sortes de modèles, ceux qui posent pour la figure et ceux qui posent pour le costume.

L’étude des premiers est toujours excellente, mais le modèle à costume commence à devenir fatigant dans les tableaux modernes.

Il ne sert vraiment pas à grand’chose d’habiller en draperies grecques une jeune fille de Londres et de la peindre en déesse.